Photographies de Marc Riboud et textes de Catherine Chaine Riboud
La lecture du livre « J’aime avoir peur avec toi » écrit par Catherine Chaine Riboud et paru en 2004 aux éditions du Seuil, a donné envie à Sylvie Hugues et Mathilde Terraube, les deux directrices artistiques du Festival du Regard, de concevoir l’exposition Clémence, présentée en octobre 2021 à Cergy-Pontoise. Une exposition qui a suscité une forte émotion auprès du public.
Dans un texte courageux et sincère l’épouse du photographe raconte sans détour la souffrance d’être la mère d’une enfant handicapée. Nous avons associé les textes de Catherine Chaine (son nom de jeune fille et d’auteure) aux photographies de Marc Riboud pour raconter cette histoire. Voici ce qu’elle en dit : « Sylvie Hugues étale les photographies de Clémence sur le sol de mon salon pour préparer son accrochage. Quel titre va t-on donner à l’exposition ? Je regarde le bébé aux yeux bridés, la petite fille malicieuse, l’adolescente décidée et visiblement trisomique et me reviennent non pas la douleur, non pas la fureur que le handicap avait fait naître en moi, mais leur souvenir, aujourd’hui adouci. Et pendant ces mêmes secondes, ces photos prises par Marc me font revivre aussi le bonheur conscient, constant, de sa présence auprès de moi, puisque c’était lui qui prenait sans cesse ces photos de sa fille. Clémence a eu quarante ans et cinq années ont passé depuis la mort de Marc. Le temps enfui m’a fait comprendre que le handicap d’un enfant n’est pas la seule blessure, si cruelle soit-elle, que la vie nous impose. Quand Clémence avait vingt-deux ans j’ai écrit un livre pour crier le poids du handicap, l’ambivalence des sentiments et ma révolte de ne pas avoir obtenu l’amniocentèse que je désirais. Je me souviens de la fureur qui m’avait habitée contre certains médecins qui freinaient l’accès à cet examen ou contre d’autres encore qui m’avaient répondu avec légèreté. Faire l’effort immense de trouver pour ce livre les mots exacts pour dire la douleur et la colère m’ont permis, je ne sais trop comment, d’alléger la douleur et la colère. Ce qui pesait si lourd était désormais fractionné en autant de petits morceaux qu’il y avait de mots dans mon texte. Cette recherche de vérité, loin des paroles lénifiantes, m’a permis de découvrir aussi combien j’étais soumises à ceux qui « savaient » sans faire confiance à mes propres pensées ou intuitions. Pour chacun le chemin est différent bien sûr et… souvent rude mais qui peut prétendre que la vie est faite pour les mauviettes ? Sûrement pas Sylvie Hugues et Mathilde Terraube qui aiment raconter des histoires avec des photos sur les murs des expositions qu’elles organisent. »
Biographies :
Catherine Chaine, épouse Riboud, est née en 1946. Elle est journaliste, traductrice, auteure, écrivaine française notamment en littérature jeunesse. En 1994, son livre « le voyage sans retour des enfants d’ Izieu » remporte le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres. En tant que journaliste, elle a collaboré avec Connaissances des Arts, Le Nouvel Observateur, Le Monde…
Marc Riboud est né en 1923 à Saint-Genis-Laval près de Lyon. A l’Exposition universelle en 1937, il prend ses premières photographies avec le petit Vest-Pocket offert par son père pour ses 14 ans. En 1944, il participe aux combats dans le Vercors. De 1945 à 1948, il fait des études d’ingénieur à l’Ecole Centrale de Lyon et travaille en usine, puis il décide de se consacrer à la photographie. En 1953 il obtient sa première publication dans le magazine Life pour sa photographie d’un peintre de la tour Eiffel. Sur l’invitation d’Henri Cartier-Bresson et de Robert Capa, il rentre à l’agence Magnum. En 1955, via le Moyen-Orient et l’Afghanistan il se rend par la route en Inde, où il reste un an. De Calcutta, il gagne la Chine en 1957 pour un premier long séjour avant de terminer son périple en Extrême-Orient par le Japon où il trouve le sujet de son premier livre : Women of Japan. En 1960, après un séjour de trois mois en URSS, il couvre les indépendances en Algérie et en Afrique Subsaharienne. En 1968 et 1969, il effectue des reportages au Sud ainsi qu’au Nord Vietnam, où il est l’un des rares photographes à pouvoir entrer. Dans les années 1980-1990, il retourne régulièrement en Orient et en Extrême-Orient, particulièrement à Angkor et Huang Shan, mais aussi pour suivre les changements immenses et rapide de cette Chine qu’il connaît depuis 30 ans. En 2011, Marc Riboud fait une dation au Musée national d’art moderne (Centre Georges Pompidou) d’un ensemble de 192 tirages originaux réalisés entre 1953 et 1977. Son travail a été couronné par des prix prestigieux. Musées et galeries l’exposent à Paris, New York, Shangai, Tokyo, etc. Marc Riboud s’est éteint à 93 ans à Paris le 30 août 2016. Le coeur de ses archives a rejoint les collections du Musée national d’arts asiatiques – Guimet.
Vernissage le mercredi 7 septembre 2022